Post-cancer ...

Après un cancer, TOUT est post-cancer.

 

 

Ben oui, c’est logique. Comment ne pas tomber dans le panneau ?

 

 

La maladie est un événement majeur dans une vie. Le genre d’événement qui nécessite de revoir les fondements, mais question : pourquoi s’évertuer à nous le rappeler en permanence ?

 

 Que chacun dorme sur ses deux oreilles, une somme d’éléments concrets et inévitables s’en chargent quotidiennement.

 

La vie post cancer. Les soins post cancer. Le blues post cancer. La garde robe port cancer. Les cadeaux, les apéros, les restos, les bobos post cancer.

 

Serait-ce vrai ? On ne s’en sort jamais de cette maladie ? Même quand on s’en sort ?

 

On peut même plus avoir un petit coup de blues tranquille. D’ailleurs, si par malheur on ne ressent pas LE coup de déprime NORMAL post cancer, cela signifie qu’il y a un problème quelque part. On est dans le déni. On est inconscient. On est en dépression sans le savoir. Il faut comprendre absolument. Pourquoi est-on heureux ? Franchement, y a vraiment pas de quoi !

 

L’hyper-psychologisation de notre société ne permet pas ce genre d’égarement. On a tous, au fond, en cherchant bien, une raison d’être traumatisé. Allez un petit effort ! Chacun son traumatisme et avec, toute sa ribambelle de théories, études, recherches, catégories. On se sent jamais seul puis ça nous donne une occupation.

 

Pour les ex cancéreux c’est pas du jeu, trop fastoche !

 

Si un ex cancéreux n’est décidemment pas traumatisé malgré l’acharnement requis, pas de panique, il suffit de lire un énième article scientifique sur le sujet. Un large pan de cette littérature est là pour l’y aider. Nous aider, tous. J’en ai fait l’expérience.

 

Légère et court vêtue, je papillonne un beau matin sur le net, lorsque je suis happée malgré moi par le petit logo rose du cancer du sein. Une petite boucle identique à la boucle contre le SIDA mais rose. Le rose pour les filles.  Click. Je parcours un article très sérieux paru dans le New England Journal of Medicine signé du Dr Daniel Hayes et son pote Hongchao Pan de l'Université d'Oxford. Ils évoquent une chose primordiale : le risque constant de récidive du cancer du sein hormonodépendant. Les cinq ans de rémission, c’est de la daube, le risque reste constant durant 15 à 20 ans après le diagnostique. L’hilarité me gagne déjà mais je ne boude pas mon plaisir. La suite me donne raison, ils énumèrent les organes susceptibles d’être atteints par la suite : os, foie, poumons, sans oublier les pourcentages sans lesquels toute pensée serait vaine et incomplète :  40% de risques lorsque les ganglions sont atteints, 10 % pour les autres. Ah, quel délice ! Sacrés Dani et Hongchao ! Ça fait du bien de savoir qu’il existe des médecins pour prendre soin de nous.

 

Une ombre vient tout de même gâcher cette explosion de joie : Le Dr Richard Gray ajoute que depuis, les traitements se sont améliorés.

 

Le reste de la journée est un enchantement. Je me sens vivante comme une ex cancéreuse suffisamment traumatisée. Ouf !

 

Après deux jours de vague nausée due aux mouvements incessants d’un océan de doutes, je me suis lassée. La vie de traumatisée finit par me gonfler et se dégonfler comme un soufflet raté.   

 

Avec l’intervention dynamique mon Très Proche, plutôt sceptique quant au pouvoir sadique et totalitaire des blouses blanches, nous nous sommes chargés de faire la peau au bourrage de crâne.

 

Démontage point par point :

 

 

 

-               Une étude débutée il y a des années est forcément obsolète

 

-               Le risque de cancer dans les 15 ou 20 ans à venir concerne tout le monde et sera peut-être freiné d’ici là.

 

-               Les pourcentages ne se basent que sur des moyennes générales et théoriques

 

-               Chaque corps réagit différemment

 

-               L’aspect psychique et moral n’entre pas dans les pourcentages et pourtant … 

 

 

 

Comment ? Y aurait-il un intérêt quelconque à faire de nous d’éternels malades et d’éternels traumatisés ? Non, je n’ose y croire.

 

Le cri - Edvard Munch- 1893-1917
Le cri - Edvard Munch- 1893-1917