Bondy

Jungle
Jungle

La première étape de mon voyage : Paris. Non, très exactement, Bondy. Charmante petite bourgade coquette à une vingtaine de kilomètres de Paris. Une zone industrielle de 46 829 habitants. D’ailleurs les alentours sont tellement animés que les gens viennent se retrouver dans la cafet’ de l’hôpital le matin. Rendez-vous à 7h30 c’est à dire en pleine nuit car le soleil ne se lève pas avant 8h voir 8h30. Ensuite, la couleur insipide du jour, blanchâtre, n’évolue pas jusqu’à la tombée de la nuit, et ainsi de suite. Nous avons pu l’apprécier à loisir, surtout mon « accompagnant » de galère et de vie, de la chambre qui est devenue la mienne le temps d’une journée. Après avoir traversé les diagonales tentaculaires de ce CHU (Centre Hospitalier Universitaire), et effectué de nouvelles démarches administratives, trois jeunes femmes infirmières, sage femme et biologiste nous ont livré nombres d’explications. Armées de dessins et autres schémas explicites, elles ont tout simplement résumé l’histoire de la fertilité féminine. Enfin pour achever ce conciliabule au milieu duquel P, mon compagnon se tenait dans un coin silencieux, elles finirent par me déclarer que mes ovocytes m’appartenaient et n’appartenaient qu’à moi, et qu’ainsi, monsieur n’avait aucun droit sur eux. Derniers mots qui ont finalement réussi à le faire sourire.

 

C’est ainsi que nous sommes arrivés à bon port. Dans le service du professeur G, unique en France à réaliser des ponctions d’ovocytes et le prélèvement d’un petit morceau d’ovaire sans administrer d’hormones à la maitresse des lieux, je ne m’étendrai pas sur les détails techniques et médicaux.

 

C’était parti, tel un navire quittant le port, je glissais le long des couloirs sur mon lit à roulette croisant au passage toute une population éclectique se serrant la main et discutant le long des avenues. Ce jusqu’à un sas transitoire. Placée à coté d’un monsieur lui aussi sur son embarcation à roulette :

 

- « Bonjour ...

-Bonjour ... ... ... ...

- Faut pas être pressé hein ! »

 

Je tourne la tête pour avoir l’illusion de changer de décor. Des caisses en plastique superposées sont disposées avec une inscription : PLAN EBOLA. Bon. Finalement je préfère regarder le plafond.

 

Ca ne dure pas longtemps. Finalement, vrai changement de décor. J’accède à la salle d’opération. Médecins et infirmiers tous étonnement jeunes s’affairent autour de moi avec la plus grande attention.

 

- « Mais vous n’êtes pas Mme K ?

- Non. »

 

Mon dossier a disparu. Je décline mon identité à qui veut l’entendre.

 

- « Ne vous inquiétez pas, on lui fait exactement la même chose qu’à vous. »

 

Bon, tout va bien alors...

 

Une équipe de bonshommes bleus et masqués débarque dans la pièce en rang d’oignon et se dirige vers moi. Le premier se penche à mon chevet :

 

- « Bonjour, je suis le Professeur G, ça va ? » retirant son masque.

 

Bluffée. 35 ans tout au plus, belle gueule et sympathique, chapeau le grand ponte de l’onco-fertilité. Bref, il reviendrait 20 minutes plus tard.

 

- « On ne va quand même pas l’endormir 20 minutes de plus pour rien ? »

 

En effet, mieux valait patienter.

 

- « Bon, on va mettre de la musique alors, qu’est-ce qu’on a ... ACDC, peut être un peu violent ?

- Non, ACDC, c’est parfait ! »

 

Les guitares d’Angus Young vrombirent et nous voilà, toute l’équipe médicale et moi-même, prête à être anesthésiée écoutant HIGHWAY TO HELL dans la salle d’opération.

 

A ce moment là, je me suis dit que j’étais vraiment sur la bonne voie.