Et ça continue ...

Rooms by the sea - Edward Hopper - 1951
Rooms by the sea - Edward Hopper - 1951

Une respiration. De l’air pur en perspective. Loin là-bas devant, la lumière n’est encore qu’un petit cercle marquant la fin du tunnel.

 

Un tunnel aux ramifications multiples, un large panel de possibilités. Un tour de train fantôme gratuit. A présent, la route semble moins sinueuse, à sens unique, on y croise moins d’ombres. Mais on reste à l’affut comme un chat presque apprivoisé qui garde un zeste de méfiance.

Matou de Kent Av.
Matou de Kent Av.

Sans métaphore ça donne : la moitié du parcours. Le milieu. Et on se dit que jusque là tout va bien. On passe la seconde. Le vent de folie qui s’engouffre dans le quotidien est contré par la saine attitude qu’on est forcé d’adopter. Un déséquilibre exquis entre moi et l’autre, la nouvelle.

 

Je ne m’appesantirai point.

 

Pour fêter ça, quelques vannes de la dernière séance de chimio ? Je sais que vous en mourez d’envie, inutile de le cacher. C’était le festival de la blague. 

 

Cette fois-ci, la convivialité était le maitre mot. Une sale de 7 personnes toutes branchées (au sens propre, pas au figuré). Une assemblée exclusivement féminine où j’avais l’immense privilège d’être la plus jeune. A l’exception de A mon infirmier préféré pressé d’aller apéritiver des pastis sans eau pour bien démarrer le weekend et tenter d’oublier ses journées récréatives au pays de Candie.

 

          - Fauteuil numéro 1 : « Vous avez un bonnet en dessous ?

 

          - Non c’est mon foulard, c’est ma manière de le mettre.

 

          - Ah ... Moi j’ai l’impression que mes cheveux  ne repousseront jamais.

 

          - ... »

 

          - Fauteuil numéro 2 : « Si si, ils repoussent. Je le sais parce qu’ils avaient déjà repoussé lorsque j’ai fait ma récidive ! »

 

C’est drôle comme on s’approprie les choses : ma récidive, mon cancer, ma chimio, mes nausées, mon quatre heure.

 

Ca a été le point de départ d’un dialogue fort instructif entre fauteuil numéro 1 et fauteuil numéro 2.

 

          - Fauteuil numéro 1 : « Vous savez, le cancer est la maladie qui fait le plus de morts » 

 

A ces mots subtils et extrêmement adaptés à la situation, l’assemblée s’est silencieusement retranchée dans les méandres d’une méditation de groupe très positive, comme on peut le supposer. Quant à moi, je me tenais prête à bondir de mon siège,  accompagnée de ma chère potence et de wondermam vers les cieux plus cléments du lounge au fond du couloir.

 

          - Toujours fauteuil numéro 1 : « Et la maladie qui fait le plus peur aux français ! »

 

Et oui...  D’accord, c’est vrai ça fait peur... Toutefois, il semble impératif de trier les infos. En bref, nous nagions dans une marre de déclarations inédites et d’un intérêt capital. Ravalant un spasme de fou rire, je décidai de glisser à travers les couloirs loin de ces caquètements  joyeux et coquins.

Heureusement pour ma culture générale, j’étais tenue de rentrer au bercail pour qu’on me donne ma dose chaque demi-heure. Je n’ai évidemment pas été déçue. Comme un virus contagieux, cette petite conversation avait contaminé l’ensemble des participantes de cette journée à thème. Dans des éclats de voix festifs, chacune énonçait méticuleusement les parties du corps qui leur avait été confisquées.

 

Un moment d’une saveur exquise. Bon appétit !

 

En parlant de ça au programme du soir une purée de courge, navets et patates à la pâte de curry. Ca n’existe pas donc je la placerai dans la rubrique : « J’essaie pour vous. »

 

Résultat au prochain numéro. Un suspens à couper le souffle...