Thermomètre

Globules - New-York
Globules - New-York

Branle-bas de combat. La chute de l’empire des globules blancs est survenue. Trompettes, soldats au garde à vous, bataillons de choc. Un moment de vulnérabilité face aux éléments. Prises de sang, antibiotiques, injection de produits dopants genre EPO, oui, celui qui est utilisé par les cyclistes, enfin la même famille. Mais pas à l’insu de mon plein gré. J’y ai eu droit. Dans 2 jours je vais pouvoir faire le tour du canton à la course et remporter les JO. Comment dormir après une piqure d’EPO. C’est comme pour le recadrage des chakras, on ne dort pas... On regarde des films, on lit un bouquin ... Bref, la même histoire au même endroit. Donc à présent, je suis une dopée. Ca redonne des couleurs.

 

Quand je m’en suis aperçu, en réalité je ne m’en suis justement pas aperçu. Un peu fatiguée mais si je devais m’arrêter à chaque petit coup de barre ... Non, restons raisonnables. Tour à tour biologiste et médecin ont sonné l’alarme, la corne de brume, le son du cor. A l’ordre du jour, garder la maison et mettre un masque à toute tentative d’approche d’individu étranger, ou pas. Comme quoi, ça a du bon de vivre dans la cambrousse.

 

La grande découverte du moment : le port du masque. Maman est revenue armée pour le combat : thermomètre supersonique et masques dernière génération. Sous vide, une sorte de trapèze avec une bande rigide au milieu... Comment ça marche ? L’opération consiste en fait à découper la partie la plus large suivant un genre de pointillés. Deux élastiques apparaissent comme par magie. Après un nombre certain de tentatives infructueuses, le masque dans les yeux, les attaches derrière les oreilles, non ça va pas. Aie, les cheveux, pas la place pour le nez... C’est P qui a trouvé le premier. Eureka. Muni de son masque ne laissant apparaitre qu’un regard mi angoissé mi amusé, il tenta de formuler une phrase, comme on est sensé pouvoir le faire, vu qu’il ne s’agit pas d’un bâillon. Le canard qui sommeillait en lui venait de voir le jour. La forme du masque une fois placé sur le visage s’apparente en effet fortement à un large bec. Bec qui remue de haut en bas à chaque mouvement de bouche. Façon Donald Duck dans les dessins animés. De quoi largement faire passer le coté sombre de la situation.

 

A ce stade, le masque n’avait pourtant pas encore révélé tout son potentiel comique. S’il se trouve qu’on l’enfile en même temps que des lunettes de vue, la chose devient insoutenable. La buée provoquée par le souffle s’évacue par le haut si bien que les lunettes se remplissent de buée. Un canard qui n’y voit rien. Magnifique.

Voilà l'objet ... Oui, je sais, il a pas l'air très drôle comme ça. Et pourtant ...

Rembobinons le film de quelques minutes. Maman est revenue armée pour le combat : thermomètre supersonique et masques dernière génération. Nous y voilà. Penchons nous sur le thermomètre, si je puis dire.

 

Affolé et affolant, le médecin en question mais néanmoins connaissance parait étonné et agacé que je n’ai pas de thermomètre en ma possession. Oui, cette aventure marque mon entrée fracassante dans le monde de la médecine que j’ai toujours tenté d’esquiver autant que je le pouvais. Donc, pas de thermomètre. Phénomène inconcevable en l’occurrence. Soit. D’où l’intervention hyper efficace de wondermam qui serait largement capable actuellement de braquer n’importe qui à n’importe quelle heure du jour et de la nuit s’il venait à me manquer quoi que ce soit.

 

Dans ma candide ignorance, l’apparence et l’utilisation d’un thermomètre n’avaient pas évolué depuis ces trente dernières années.

 

Quelle ne fût pas ma surprise, à peine visible à l’oeil nu entre la chute de 2 globules,  en découvrant le boitier aérodynamique dans lequel se trouvait mon new thermomètre chébran.

 

Il fallait alors appréhender ce nouveau spécimen venu d’une autre galaxie. Wondermam s’était bien sûr assurée qu’il fonctionnait. Pourtant... Problème, il ne fonctionnait pas. Vite, panique, trouver le moyen de faire marcher au plus vite ce truc. P, omniprésent tout au long de cette histoire vu qu’il partage tout avec moi. P est toujours le premier à étudier la question. Il s’empare de l’objet, l’observe, le retourne avec l’oeil inquisiteur du mec qui de toute façon n’envisage même pas l’échec de sa mission. Le problème du moment étant la perte de sa paire de lunettes valide (celle de la buée et du canard), il ne lui reste plus que de vieilles lunettes rondes sans branches mais qu’il se refuse à jeter « parce qu’elles sont solides et pratiques pour le travail. »

 

Le seul souci, logique au demeurant, est qu’elles ne tiennent pas longtemps sur le nez. Il enfile donc ses moitiés de lunette afin d’ouvrir le ventre du thermomètre. Les piles. Une languette est placée là pour justement permettre de retirer les piles facilement. Où placer la languette ? Au coeur de la question, nous étions tous trois au niveau le plus haut de concentration. C’est alors qu’un troisième protagoniste surgit dans la pièce. Bop (diminutif puéril de beau papa) mec de wondermam et complice des instants précieux.

 

- « Le thermomètre ne fonctionne pas » de concert.

- Attends, fais voir »

 

Bop se distingue par sa grande générosité, son humour, sa finesse d’esprit  et bien d’autres qualités, en revanche, patience et délicatesse ne font pas partie du lot. Il s’empare à son tour de l’objet, sans pour autant avoir bénéficié des premiers résultats d’enquête menée par P. Les piles. Oui. Tapant dessus pour les faire tomber, à l’ancienne, il se saisit alors du premier objet correspondant plus ou moins à son idée : une petite cuillère pour parvenir à retirer les fameuses piles de leur emplacement. Là, P, beaucoup plus patient et délicat, lui signifie la présence de la languette. Rien n’y fait. La languette semble déplaire à bop qui l’ignore allègrement replaçant les piles dans un ordre imprécis et totalement inefficace. La tension est palpable. P reprend du service et soulève une nouvelle fois le couvercle du thermomètre à la recherche d’un indice révélateur. Tentant de rester logique et concentré malgré l’urgence et l’angoisse, il scrute de plus en plus près la moindre parcelle du thermomètre mais là sa moitié de lunette se fait la malle.

 

-« Et merde !!! »

-« Bon, il nous en faut un autre. »

 

Aussitôt dit aussitôt fait, bop et wondermam s’extirpent hors du cercle pour cette nouvelle acquisition. Entre temps, P, qui refuse toujours de s’avouer vaincu, a replacé tant bien que mal ses demi lunettes sur son nez. C’est reparti. Le capuchon la languette les piles le bouton. Rien.

 

Le temps s’étire et semble aussi élastique que l’attache de mon masque. Mais au bout d’un moment :

 

-« Viens voir, y a pas quelque chose d’écrit là ? »

 

A mon tour et pour la première fois - mieux vaut ne pas intervenir lorsque P et bop se saisissent d’une affaire de première importance – je me penche sur la question. En effet, je distingue, au niveau de l’emplacement prévu à cet effet, un petit schéma indiquant le sens du plus et du moins.

 

Je les place. J’appuie sur le bouton. De manière totalement inespérée l’appareil s’illumine tel un beau sapin de noël. Ca fonctionne. J’avoue, je n’ai pu retenir un petit rire sarcastique et de très mauvais goût qui n’était que le premier d’une longue série. A présent, me voilà parée de deux thermomètres.