Le bal des passants

Egarés dans les limbes de mon esprit, ils restent là, ils stagnent. Encore sur leur fauteuil, ils me parlent encore. Je croise des histoires. Des visages et des histoires. Les histoires des passants. Chacun la sienne. Tellement unique, tellement singulière, tellement intime. Je me repasse la séquence. Les passants entrent dans la danse. Chacun sa place. L’un s’en va l’autre le remplace. Attendre son tour. Tour à tour suivre le tempo. Le fauteuil devient l’espace entier. Voici la scène, les décors sont posés. Un balai, une chorégraphie. Nous, les figurants tenons le rôle principal. Toute l’équipe nous attend. Chacun opère son petit rituel. Les gestes lancent la musique. Attention, on sonne les 3 coups. Tac. Tac... Clap. Action. Inspirez ... Bloquez. Goutte à goutte. Coeur qui bat. Rendez-vous avec un destin qui ne nous appartient pas. Pourtant tout le monde arrive à l’heure. Comme un instinct primitif, par coeur on sait ce qu’il faut faire. S’abreuver du nectar amer. Se gorger du poison salvateur. Tac. La dernière goutte. Comme un tango décadent, on tend l’oreille et on écoute. Le bandonéon résonne à l’arrière plan. La danse ne s’arrête pas. Un deux trois on esquisse des pas. Un deux trois on esquive on s’ébat. Ole. Viva la vida. Les costumes pastel se changent en écarlates. On enfile nos talons, on relève nos chignons. Ole ! On rembourre nos nichons. On en n’a plus et on s’en tape. Ole torero ! Au chaud de ce folklore enivrant je me déhanche à corps perdu. Au soleil couchant je danse avec les passants.

La danse - Matisse - 1909
La danse - Matisse - 1909