sénologie

Portrait - Artiste new-yorkais
Portrait - Artiste new-yorkais

Alors que nous étions le plus souvent ensemble face à l’adversité avec wondermam, c’est P qui m’accompagnait au temple ce jour là. Service sénologie. Mais oui, le service qui regroupe toutes les femmes dans le même panier : mammographies, échographies mammaires, biopsies, macrobiopsies ... Bref, un vaste programme de réjouissances. Service quasiment inconnu du genre masculin à quelques exceptions près.

 

Un couloir bordé de chaises de part et d’autre menant à un secrétariat d’où chacune est appelée l’une après l’autre. Toutes très détendues bien entendu ... Non, tous très détendus, car P n’était certes pas le dernier à arborer un visage joyeux et serein. Confortablement installés dans nos sièges, nous nous scrutions mutuellement, de manière plus ou moins discrète et scrutions en choeur toute nouvelle arrivante emplissant le navire de la salle d’attente :

 

- « Bonjour...

- Bonjour. Bonjour. »

 

Le deuxième bonjour était celui de P situé à ma gauche, invisible depuis l’entrée. Sa voix, éraillée et totalement dénuée d’aigu, faisait toujours un effet de surprise à celles qui n’avaient pas encore remarqué sa présence. Assez drôle je dois dire.

 

Ce jour là était un jour un peu spécial. Etant la seule à porter un foulard sur la tête, emblème d’une chimiothérapie dans ce lieu sans équivoque, toutes mes consoeurs m’observaient particulièrement. Apparemment la plus avancée dans l’histoire, je pris rapidement conscience qu’elles recherchaient en moi quelque soutien rassurant. L’air calme et apaisé, je tentais donc de satisfaire leur besoin implicite en leur adressant de petits sourires complices signifiants :

 

-«  Mais non, regardez, même avec un cancer on peut continuer à sourire.... »

 

Rassurer sans non plus aller trop loin dans l’euphorie du genre :

 

« N’ayez pas peur, vous allez voir, c’est l’éclate totale !!! »

 

La dernière arrivée mit un terme à ce jeu silencieux. Elle se mit à sangloter sur sa chaise alors que certaines se déplaçaient déjà pour aller la soutenir :

 

-« Allez, courage, on est toutes passées par là... »

 

Mon rôle dans la scène se confirma lorsqu’à ces mots, tous les regards se dirigèrent vers moi, dans l’attente d’une réponse urgente.

 

- « Mais oui... Non, apparemment, ça ne suffisait pas. Je sentais le poids de mes mots alourdir ma gorge et devais trouver un argument plus convainquant dans la seconde qui suivait ... Vous êtes entre de bonnes mains, tout se passera bien ! »

 

Ouf, c’est bon, elles avaient toutes acquiescé d’un signe de tête en se retournant vers elle.

 

Malheureusement, la scène suffit à déstabiliser l’harmonie fragile du moment et  déclencha une avalanche de larmes dans la salle. Un laché prise général. Les accompagnatrices s’évertuaient à consoler les accompagnées tant bien que mal. Je me retournais alors vers P dont les yeux, par grande solidarité et grande sensibilité, montraient des signes d’humidité. Je posai dérisoirement la main sur sa jambe afin de vaincre le chaos ambiant à l’unisson... C’est tout ce que j’avais trouvé.

 

Le calme revint peu à peu. Les discussions s’aventuraient vers d’autres horizons et ce fût mon tour.