Charlie

Deux jours pour parvenir à écrire de nouveau. C’est la première fois depuis le début de mon aventure qu’autre chose prend la première place dans mon esprit. Une forme inédite de chaos, un autre. Face à cet évènement, me voilà, avec des milliers d’autres, traumatisée, immensément triste et en proie à une colère sourde. Il est surprenant de s’apercevoir dans de telles circonstances l’attachement que l’on éprouve pour des personnes, des symboles, des idées à un point qu’on ne soupçonnait même pas. Je découvre maintenant à quel point la présence de Charlie Hebdo et l’existence de tels hommes était importante dans notre paysage médiatique, culturel et humain. J’ai entendu dire qu’ils étaient des paratonnerres. C’est vrai. Ils nous protégeaient de la misère ambiante. Journalistes, caricaturistes, humoristes sans concession qui ne se cachaient pas derrière un parti, une bannière, un groupe ou leur petit doigt. Epicuriens, de vrais fêtards, éternels enfants terribles si rares et si précieux. Eux ont cessé de vivre et avec eux une part de la Liberté et de l’Humanité.

 

Pour tenter de faire en sorte de trouver du sens à cette absurdité, que faire ? Faire la guerre à l’obscurantisme et au totalitarisme? Continuer de rire de tout, blasphémer, railler, décrasser, trancher. Dessiner des culs, des bites, des présidents de droite, de gauche, des flics, des Corses, des arabes, des juifs, des cathos, des petits, gros pauvres et riches, avares ou généreux.  Ecouter le monde bouger et la terre trembler. Mettre la musique à fond et danser jusqu’à l’aube. Se foutre implacablement de la gueule de tous les prophètes, papes, rabbins et autres défenseurs d’un Dieu sacré de la terre et au delà et de Dieu lui même. Qu’il profite, du haut de son bastion, de la rumeur mutine  des Hommes qui font du bruit.

 

D’ailleurs, ils ont dû se débrouiller pour assister en se marrant au glas de Notre Dame sonné en leur honneur. Manquerait plus qu’ils soient sanctifiés.