La culpabilité est sans doute le sentiment le plus exploité de tous les temps. L’amour tente vaguement de rivaliser avec la saint Valentin et son déferlement de gros cœurs rouges mais rien n’y suffit. Chacun sait que l’amour ne se calcule pas au montant des dépenses…. Bon c’est vrai, certains semblent l’oublier parfois mais ce n’est pas le propos.

 

L’amour est un petit joueur face à la culpabilité.

 

Pain béni des religions, inutile de le rappeler, mais pas seulement, ce serait trop facile. Dans notre vie quotidienne, la corde sensible vibre aux quatre vents. 

Un terreau idéal pour que germe la petite graine. Tout le monde finit par se sentir coupable de ce qu’il a fait, ou aurait pu faire, mais aussi à la place de sa famille, sa grand-mère, son arrière grand-oncle, son peuple, ses amis époux, amants etc ... Tout est bon dans le cochon.

 

Resserrons le cadre sur le sujet en question. Le cancer. Encore lui ! Un domaine où la culpabilité est cotée en bourse.

 

Les personnes qui ont survécu au cancer n’ont plus qu’à se taire à tout jamais. Elles peuvent profiter pleinement de leur statut d’ex cancéreux, que demander de plus ? Y en a plein qui meurent ! Ceux qui trouvent encore à la ramener se rendent coupables d’indécence.

Une victime épanouie est une victime qui se contente de ce qu’on lui laisse. Si on ne se contente pas, on n’est pas victime. Si on n’est pas victime, on est coupable.

Nous avons eu la chance d’avoir une deuxième chance. Prosternons-nous, nous sommes en vie !

Un pressentiment qui s’est confirmé lors de ma dernière visite au temple anti cancer pour LE fameux contrôle de routine post-cancer. Je fus reçue par Mme Doctoresse remplaçante.

 

                  Comment allez-vous Mme P ?

 

                  Ça va bien.

 

Attention phrase à ne pas prononcer si on veut être prise au sérieux.

 

                  Bon, de quand date votre dernière mammographie ?

 

                  De la dernière fois que j’ai eu des seins

 

                  Ah ! Oui, vous avez eu ….

 

                  Oui

 

                  Et sinon comment vous sentez-vous ?

 

                  Bien mais l’hormonothérapie a beaucoup d’effets secondaires.

 

Le sujet mériterait un chapitre entier mais le journal de bord ne fait pas office de forum médical. Il semble néanmoins nécessaire d’évoquer en quoi consiste l’hormonothérapie.

 

Il s’agit d’un traitement quotidien prescrit aux femmes ayant eu un cancer du sein hormonodépendant. En gros, on avale un cachet qui freine la production d’œstrogène – hormone femelle – sous peine d’une méchante récidive – la fameuse récidive des deux bons docteurs cités dans le texte précédant.

La production d’hormones est donc bien freinée, avec elle le risque de récidive ainsi que la vitalité et l’énergie que suppose la trentaine (en ce qui me concerne). 

Habituellement, la durée de prescription était de 5 ans mais j’ai eu l’immense honneur de débarquer dans le monde des cancéreux au bon moment. De 5, c’est passé à 10 ans.

Après le traitement anti cancer, le traitement anti récidive, on sourit et on dit merci !

10 ans ce n’est pas rien… Pendant ce temps, on a de quoi s’occuper. On cherche des solutions et on achète des tas de crèmes, lotions, potions magiques pour contrer les effets indésirables. Sans oublier le sport et les régimes. Oui, accessoirement, l’hormonothérapie peut, dans certains cas, favoriser la rétention d’eau.  Et alors ? On va pas en plus se plaindre de prendre 10 kilos puisqu’on est vivante ! 

Mais pourquoi 10 ans ? Pour le savoir, faut essayer.

De nombreuses femmes arrêtent au bout de 2 ans.

L’hormonothérapie, des effets ?

 

                  Ah bon ? Quels effets ?

 

                  Episodes de grosse fatigue, etc …

 

Non. Je ne pense pas que ce genre d’effets soient dus à l’hormonothérapie. Vous avez diverses raisons d’être fatiguée. Vous devez poursuivre votre traitement durant les 10 ans de prescription. Il ne faut pas le voir comme une punition. Vous avez la chance de pouvoir en profiter.

 

Ah, Nous y voilà. Avec une telle chance, on n’a plus qu’à se la fermer. Un cachet et au lit ! 

 

OK mais puis-je faire des pauses quand les effets sont trop pressants ?

 

Si vous voulez de toute façon ça ne changera rien, le traitement reste présent dans votre organisme.

 

Faut bien laisser faire leurs petits caprices aux jeunes ex-cancéreuses immatures.

Mais attention, le petit jeu ne doit pas durer. Celles qui décident d’interrompre définitivement leur traitement prennent leur responsabilité. Qu’elles ne viennent pas se plaindre après !

 

Culpabilité culpabilité

Pointe pointe le bout de son nez

Le grand Dieu des laboratoires

Veille veille de sa tour d’ivoire

Rebelles désobéissantes, gare gare !

Le grand méchant loup va s’énerver

Et la maladie va se réveiller